Le droit du sacrifice humain chez les Oro au Bénin

by Thierry-Pierre OTCHOUN (Benin)

A leap into the unknown Benin

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Le droit du sacrifice humain chez les Oro au Bénin Je venais d’avoir en 2006 ma licence en psychologie. A l’époque la seule alternative était le métier d’enseignant vacataire. L’établissement qui accepte m’accueillir se retrouve dans la commune de Sakété à 80 km de ma résidence à Cotonou capitale économique du Bénin. Sakété est une localité rurale sous influence du culte vaudou. Un paysage fait de maisons en terre battue, de forets sacrées étranges lieu de sacrifice humain et de petites cases de fétiche à l’entrée de la plupart des habitations. La divinité vaudou Oro règne en maître et a droit de vie et de mort sur les habitants. La vie est régulée au rythme des cérémonies occultes même en plein jour. Les malchanceux et les enfants mal surveillés pouvaient disparaitre à jamais pour ne pas dire mis à mort pendant ces périodes d’adoration du fétiche. Le paradoxe est que ces dignitaires du culte Oro communiquent par le biais des crieurs publics et de la radio locale sur les dates de sortie du terrible fétiche Oro et le nombre de sacrifices humains réclamés par ce dernier. Une communication publique suffisamment grave mais qui laisse indifférents les autorités de la commune. Les étrangers étaient les toutes premières cibles de cette brigade occulte de la mort. A défaut pouvait suivre les autochtones. Un premier choc pour moi, chrétien venu chercher mon premier gagne-pain. Un lundi de bonheur, après avoir pris la route au environ de 4 h 30 mn depuis Cotonou, enroulé dans un pull puis dans mon imperméable à cause de la forte pluie, casque de protection, je traversais la nuit noire en décomptant les kilomètres. C’était mon quotidien pendant ces neufs mois de l’année scolaire. Je faisais 160 km par jour pour un aller-retour sur une vieille moto bon pour la casse et fréquemment en panne. Après deux heures et demi de route, je fis mon entrée dans le collège de Sakété. J’arrivais juste à temps pour voir les élèves quitter la cérémonie des couleurs et entendre cette information qui changea tout. « C’est la reprise des cérémonies de la divinité Oro. J’en appelle à notre vigilance à tous. Je voudrais nous revoir tous vivants le mois prochain». Disait le directeur du collège. Je fus tout déconcentré durant mes cours de la journée par les bruits des tam-tams, chants et danses rituelles d’Oro qui résonnait à travers toute la localité. Je pensais à mon retour qui devenant d’heure en heure impossible vu la ferveur des adeptes sous l’emprise de l’alcool et de la drogue. Malheureusement je fus contraint à passer la nuit dans une salle de classe, alignant 3 chaises et me couchant dessus sans couverture. Une nuit agitée et mouvementée par les adeptes en transes venant secouer avec brutalité la porte de la salle de classe où je me cachais. Et moi tout petit, je priais de toute mon âme que le jour arrive enfin. C’est au petit matin que j’apprends avec stupeur que tout le monde n’a pas eu la même chance que moi. Rafa, la jeune fille, la meilleure de l’établissement en termes de résultat scolaire est portée disparue. Ces parents affirment qu’elle s’était levée la nuit pour aller faire ses besoins dans les toilettes situées à l’extérieur de la maison. Tout le collège était abattu. Le comble est que le couvent Oro revendiquait l’acte de disparition et même de mise à mort, prétextant qu’elle a violé les interdits en sortant la nuit. Les manifestations devant durer un mois, la population n’était autorisée à rechercher ses disparus qu’à la fin de cette période. Constatant une petite accalmie, je profite de cela pour déposer ma démission et pris la route de Cotonou tout angoissé. Je n’ai retrouvé ma tranquillité qu’à l’entrée de ma chambre. Quelque semaine plus tard j’apprends par certains élèves avec qui j’ai gardé le contact que le corps de Rafa et d’autres ont été retrouvé et enterré sans qu’aucune enquête ne soit faite. Les parents de Rafa ont dû donc attendre trois longues semaines avant de faire le deuil de leur fille unique. C’était comme si rien ne s’était passé. Et chaque année, le même scénario horrible reprend de plus belle. Une expérience stressante et une envie de dénoncer cette injustice meurtrière qui m’a permis de me convertir dans les médias.